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La théorie de l'acte juridique en droit administratif, Summaries of Law

Ce document propose une analyse approfondie de la théorie de l'acte juridique en droit administratif, en s'appuyant sur la jurisprudence et les travaux universitaires récents. L'auteur explore les concepts clés tels que la distinction entre la fonction illocutoire et les effets perlocutoires des actes, la juridictionnalisation du droit souple, et les défis posés à la définition classique de l'acte juridique. Il examine également la notion de décision administrative, les actes déclaratifs dépourvus de portée juridique, ainsi que le rôle des recommandations et des avis dans la pratique administrative. Cette analyse approfondie contribue à une meilleure compréhension de l'évolution du droit administratif et de ses enjeux théoriques.

Typology: Summaries

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Le contentieux

des actes administratifs

non décisoires

Contribution à une typologie

du droit souple

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou par- tielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’Auteur ou de ses ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

© Éditions mare & martin, 2015
ISBN 978-2-84934-206-
Texte intégral

Éditions mare & martin — 17, rue de Provence — 75009 Paris

www.mareetmartin.com

UNIVERSITÉ D’ORLÉANS
ÉCOLE DOCTORALE SCIENCES DE L’HOMME ET DE LA SOCIÉTÉ
CENTRE DE RECHERCHE JURIDIQUE POTHIER
Wojciech ZAGORSKI
Le contentieux des actes administratifs non décisoires.
Contribution à une typologie du droit souple
Thèse de doctorat soutenue publiquement le 5 décembre 2014
DIRECTEUR DE RECHERCHE :
Pierre SERRAND Professeur à l’université d’Orléans
RAPPORTEURS :
Sabine BOUSSARD Professeur à l’université de Paris X (Nanterre)
Bertrand SEILLER Professeur à l’université de Paris II (Panthéon-Assas)
MEMBRES DU JURY :
Sabine BOUSSARD Professeur à l’université de Paris X (Nanterre)
Mattias GUYOMAR Conseiller d’État, professeur associé à l’université
de Paris II (Panthéon-Assas)
Jacques PETIT Professeur à l’université de Rennes I
François PRIET Professeur à l’université d’Orléans, président du jury
Bertrand SEILLER Professeur à l’université de Paris II (Panthéon-Assas)
Pierre SERRAND Professeur à l’université d’Orléans

Sommaire

Principales abréviations ........................................................................... 15
TITRE INTRODUCTIF ......................................................................... 25
Chapitre I. Définition du sujet .............................................................. 33
Chapitre II. Délimitation du sujet ......................................................... 87
PREMIÈRE PARTIE
LA COMPLEXITÉ DU CONTENTIEUX
DES ACTES NON DÉCISOIRES
TITRE I. LA DIVERSITÉ DES ACTES ................................................. 97
Chapitre I. Les actes soumis au contrôle de la légalité ........................ 99
Chapitre II. Les actes soustraits au contrôle de la légalité ................... 173
Conclusion du titre premier ................................................................... 195
TITRE II. L’OPACITÉ DE LA TYPOLOGIE ........................................ 197
Chapitre I. L’opacité des distinctions .................................................... 199
Chapitre II. L’opacité des appellations .................................................. 225
Conclusions du titre second ................................................................... 241

SECONDE PARTIE

LA SIMPLIFICATION DU CONTENTIEUX
  • TITRE I. L’UNIFICATION DE LA MÉTHODOLOGIE DES ACTES NON DÉCISOIRES
  • Chapitre I. La méthode de définition
  • Chapitre II. La méthode de distinction
  • Conclusion du titre premier
  • TITRE II. L’UNIFICATION DE LA TYPOLOGIE
  • Chapitre I. L’unification des modalités d’invocation
  • Chapitre II. L’unification des modalités de contestation
  • Conclusion générale
  • Sources
  • Bibliographie
  • Index
  • Table des matières
utilisation de la théorie des actes de langage, d’expliquer pourquoi certains actes
sont, du point de vue du contentieux, soit transparents, soit opposables et invo-
cables, soit susceptibles de faire l’objet d’une exception d’illégalité. La thèse de
Wojciech Zagorski permet ainsi de mieux comprendre le phénomène auquel le
Conseil d’État a souhaité consacrer son étude annuelle de 2013 : le droit souple.
Le lecteur trouvera enfin dans ce travail des propositions pour simplifier l’état
du droit et en améliorer la compréhension, ce que l’on ne trouve pas toujours
dans les thèses. L’explication des problèmes et leur simplification est une des
qualités attendues d’un enseignant chercheur. On peut dès lors comprendre que
l’auteur de cette thèse ait voulu s’investir dans le métier d’universitaire. Il ne reste
plus au rédacteur de ces lignes qu’à lui souhaiter le meilleur dans cette voie qu’il
a choisie ; ce qu’il fait avec le plus grand plaisir.
Pierre Serrand,
Professeur à l’Université d’Orléans

Titre introductif

Entia non sunt multiplicanda praeter necessitatem. Si nous avons souhaité ajou-
ter ces pages aux travaux consacrés au « droit souple »^1 , c’est parce que le statut
contentieux des actes administratifs non décisoires demeure aujourd’hui incertain
et devrait être repensé. Un exemple, tiré d’un arrêt rendu par la Cour d’appel
de Versailles^2 , permet de l’illustrer. En se référant à un avis rendu par le Conseil
national de la consommation, la Cour reconnaît que cet avis revêt un « grand
intérêt pour la solution du litige », tout en précisant qu’il « n’a aucune valeur
normative »^3. En présence d’un acte invocable en justice^4 , déterminant pour
l’issue de l’affaire, cette affirmation peut surprendre. Ne faudrait-il pas, au lieu
de contester le caractère normatif d’un tel avis, parler plutôt de son absence de
caractère impératif?
Cette interrogation n’est pas purement académique. Les difficultés théoriques
suscitées par le développement du droit souple se traduisent, dans la pratique, par
un traitement inégal auquel les actes non décisoires sont soumis par le juge. En
effet, il semble permis de penser que certaines des divergences qui se rencontrent
au contentieux ne demeurent pas sans rapport avec la définition traditionnelle de
la norme, assise sur l’impératif, et la négation du droit souple qui peut en décou-
ler. Pour prendre un autre exemple, cette approche traditionnelle peut conduire
  1. Apparue en droit international (A. D. McNAIR, The Functions and Different Legal Character of Treaties , Oxford University Press , 1930), la notion de droit souple s’est progressi- vement infiltrée dans le droit interne. Pour une définition générale de cette notion, v. l’étude annuelle du Conseil d’État, Le droit souple , Paris, Doc. fr., 2013, coll. « EDCE », vol. n° 64, spéc. p. 21, ab initio , p. 61 et s. Une définition plus précise sera donnée au sein du titre préliminaire.
  2. CA de Versailles, 30 janvier 1997, Sté Danone c/Sté Andros , Rec. Dalloz , 1999, n° 11, p. 93, obs. M.-L. Izorche (cité d’après : Cass., com., 12 janvier 1999, Sté Danone c/Sté Andros , n° 97-13.801).
  3. Ibidem.
  4. À titre d’illustration, le juge peut se référer aux avis rendus par le Conseil national de la consommation en vue d’établir le caractère abusif d’une clause (CA d’Orléans, 10 mars 1992, SA Diffusion Photo Ciné Strittmatter c/M. Allard , n° 1310/89, inédit ; CA de Paris, 1 er^ décembre 1998, Pulini c/Lebrun , Rec. Dalloz , 1999, n° 9, p. 64 ; CA de Versailles, 12 mai 2006, Mme Bensalem c/SA Auchan France , n° 04/08233, inédit), l’existence d’un engagement quasi contractuel (CA de Versailles, 2 mars 2007, SA D. Duchesne c/M. Gasnier , n° 05/08958, inédit), ou encore l’existence d’une faute (Cass., com., 28 septembre 2010, M. Viola c/Stés Pages Jaunes et France Télécom , n° 09-69.573, inédit).
juridique^14. La transformation des pratiques normatives contemporaines^15 met
à l’épreuve la doctrine classique de l’acte juridique, héritée de Kelsen, et fondée
sur la contrainte. Sur le terrain du droit public français, auquel sera consacrée la
présente thèse, cette transformation s’est traduite par une véritable prolifération
des actes non décisoires, dont la « juridicité » et le régime juridique demeurent
aujourd’hui sujets au doute : avis, circulaires, directives, recommandations,
lignes directrices, référentiels, actes types, tableaux, barèmes… la liste est loin
d’être exhaustive. Relégués aux dernières pages des principaux manuels, ces
actes font souvent figure de curiosités ; leur existence n’est pas occultée, mais
elle reste dans l’ombre des actes décisoires. Impératifs, ceux-ci correspondent
mieux à l’image du droit bâtie sur l’interdiction et l’ordre. Ceux-là ne peuvent
que troubler cette image.
La position marginale réservée au droit souple dans la doctrine contraste
fortement avec la place occupée par ce droit dans la pratique. C’est une sorte
de paradoxe, dans la mesure où son importance et son efficacité semblent en
même temps largement reconnues, tant par les praticiens que par les théoriciens
du droit. Pour revenir à l’exemple des avis rendus par le Conseil national de la
consommation, une étude publiée en 2008 montre que l’avis du 27 septembre
2007, relatif aux contrats des syndics, a été repris par 89 % des contrats renou-
velés après cette date^16. De même, dans le rapport d’activité précédant son
  1. Pour une illustration de ces difficultés, v. : P. WEIL, « Vers une normativité relative en droit international? », RGDIP, 1982 , n° 1, p. 5 ; F. OSMAN, « Avis, directives, codes de bonne conduite, recommandations, déontologie, éthique, etc. : réflexion sur la dégradation des sources privées du droit », RTD civ. 1995, n° 3, p. 509 ; C. THIBIERGE, « Le droit souple. Réflexion sur les textures du droit », RTD civ., 2003, n° 4, p. 599 ; P. DEUMIER « Opt-in et opt-out (A propos des nouveaux systèmes d’application des sources du droit des contrats) », RDC , 2007, n° 4, p. 1462 ; Y. PACLOT, « La juridicité du code AFEP/MEDEF de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées », Revue des sociétés , 2011. p. 395 ; J.-B. POULLE, Réflexions sur le droit souple et le gouvernement d’entreprise. Le principe « se conformer ou s’expliquer » en droit boursier , Paris, Harmattan, 2011.
  2. Pour un aperçu synthétique de cette transformation, v. P. AMSELEK, « L’évolution générale de la technique juridique dans les sociétés occidentales », RDP , 1982, n° 2, p. 275. V. également : J. CHEVALLIER, « Vers un droit post-moderne? Les transformations de la régulation juridique », RDP , 1998, n° 3, p. 659 ; idem , L’État post-moderne , Paris, LGDJ, 2008, 3e^ éd., coll. « Droit et société » ; J.-B. AUBY, « Régulations et droit administratif », in : Confluences. Mélanges en l’honneur de J. Morand-Devillier , ouvr. coll. sous la direction de M. DEGUERGUE et L. FONBAUSTIER, Paris, Montchrestien, 2007, p. 223 ; Les transformations de la régulation juridique , ouvr. coll. sous la direction de J. CLAM et G. MARTIN, Paris, LGDJ, 2008, coll. « Droit et société » ; K. BENYEKHLEF, Une possible histoire de la norme : les normativités émergentes de la mondialisation , Montréal, Thémis,
  3. Étude menée par la Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes au premier trimestre 2008, concernant la mise en œuvre de l’avis du CNC du 27 septembre 2007 relatif aux contrats de syndics (v. la réponse ministérielle
remplacement par le Défenseur des droits^17 , la HALDE indiquait que 77 % de
ses recommandations générales ont été suivies en pratique, tandis que ses recom-
mandations individuelles l’auraient été dans 70 % des cas^18.
À côté des avis et des recommandations, dont la portée pratique semble indiscu-
table^19 , une autre catégorie d’actes jouit d’une efficacité redoutable. Il s’agit des circu-
laires administratives, dont le professeur Chapus écrivait qu’elles s’avèrent de facto
nécessaires à l’entrée en vigueur des lois et des règlements qu’elles accompagnent^20.

n° 28946, publiée au JOAN du 4 novembre 2008, p. 9572). Les contrats passés par les syndics incorporent parfois l’intégralité de l’avis CNC par le biais d’une clause générale de renvoi (à tire d’exemple, v. : CA d’Aix-en-Provence, 18 janvier 2013, SARL CRGI Antibes c/Syndicat des copropriétaires de la résidence Longbeach , n° 11/21351, inédit).

  1. Ce remplacement est survenu en vertu de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 ( JORF du 30 mars 2011, n° 75, p. 5497, texte n° 1).
  2. Données issues du rapport annuel de 2010, consultable en ligne sur le site du Défenseur des droits ( halde.defenseurdesdroits.fr ), correspondant aux suites réservées aux délibérations adoptées par la Halde de 2005 à 2009.
  3. Comme l’explique le professeur R. LETTERON ( Libertés publiques , Paris, Dalloz, 9e^ éd., 2012, coll. « Précis Dalloz », p. 133), « certaines [autorités administratives] se bornent à exercer un pouvoir d’influence, voire d’“imprécation” pour reprendre la formule du Conseil d’État, dans son rapport de 2001. Certaines se présentent comme des commissions consultatives ordi- naires qui rendent des avis ou formulent des recommandations. Ces avis ou recommandations sont en général très largement suivis, au point que l’on peut considérer que ces institutions exercent un véritable pouvoir de persuasion, parfois plus efficace que la contrainte ». Sur le procédé de la « régulation par la réputation » (ang. name and shame ), v. B. du MARAIS, Droit public de la régulation économique , Paris, Presses de Sciences Po/Dalloz, 2004, coll. « Amphithéâtre », préf. de R. Denoix de Saint Marc, spéc. p. 486.
  4. « Dans les faits, un fonctionnaire attend d’avoir reçu la circulaire adéquate pour faire application des dispositions législatives ou réglementaires, qui pourtant sont déjà en vigueur » (R. CHAPUS, Droit administratif général , 15e^ éd., t. 1, Paris, Montchrestien, 2001, p. 513, n° 683). La même idée apparaît sous la plume du professeur P. COMBEAU (« Réflexions sur les fonc- tions juridiques de l’interprétation administrative », RFDA , 2004, n° 6, p. 1069) : « l’admi- nistration est à l’origine d’une véritable doctrine administrative, constituée de l’ensemble de tous les supports de l’interprétation administrative (circulaires, mais aussi directives, notes et instructions) dont on connaît la place dans le fonctionnement des services administratifs : l’entrée en vigueur des textes, même ceux qui n’appellent pas de mesures d’application, reste sans effet s’ils n’ont pas été explicités par une circulaire, s’ils ne sont pas passés au crible de l’interprétation. Cette réalité pose d’ailleurs question au regard de la hiérarchie des normes qui se trouve parfois renversée, comme le montre l’exemple de la doctrine fiscale ». Toujours dans le même sens, le professeur P. DEUMIER (« La “doctrine administrative” : une interprétation opposable », RTD Civ., 2006, n° 1, p. 69) observe que, « du point de vue des organismes administratifs, la hiérarchie des normes est inversée : la source privilégiée n’est pas la plus élevée (et donc la plus lointaine) mais la plus proche, celle qui exprime directe- ment la position hiérarchique à laquelle ils sont soumis. Le phénomène est tel que l’entrée en vigueur des nouveaux textes serait en réalité subordonnée à la diffusion d’une doctrine administrative ». V. aussi : J.-M. PONTIER, « L’infra-réglementaire, puissance méconnue », AJDA , 2014, n° 22, p. 1251.
encore qui interdit de fumer dans l’enceinte des gares^28. On peut estimer même
que l’un des traits essentiels des normes juridiques est précisément leur « capa-
cité » à être violées^29 …
Si l’on reconnaît que l’obéissance prêtée à une norme ne témoigne pas
encore de son caractère juridique, il faut admettre également que la théorie
du droit peut faire abstraction du droit souple en dépit de son efficacité
pratique. De ce point de vue, la réduction du juridique à l’impératif paraît
possible à défendre. Elle ne se laisse défendre pourtant qu’au prix d’une
sérieuse infirmité de la théorie du droit construite de la sorte. Pour une raison
au moins, qui nous semble absolument capitale, et qui est aux fondements de
notre travail : les actes non décisoires sont devenus justiciables. Nous voulons
dire par là que ces actes peuvent être utilement invoqués devant le juge^30 , et
que le juge contrôle, même si c’est le plus souvent de manière incidente, la
légalité de ces actes^31.

n° 12), est régulièrement violée par ses destinataires. Selon les données communiquées par la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, 41,5 % des jeunes de 17 ans ont expérimenté le cannabis (chiffres relatifs à l’année 2011, source : drogues.gouv.fr ).

  1. V. l’article R. 3511-1 du Code de la santé publique, dans sa teneur issue du décret du Premier ministre n° 2006-1386 du 15 novembre 2006 fixant les conditions d’applica- tion de l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif ( JORF n° 265 du 16 novembre 2006, p. 17249, texte n° 17).
  2. Ce que le professeur E. PICARD exprime en ces termes (« Contre la théorie réaliste de l’interprétation juridique », L’office du juge , actes du colloque tenu au Palais du Luxembourg les 29 et 30 septembre 2006, éd. du Sénat, coll. « Les colloques du Sénat », p. 42) : « la notion même de droit implique des règles ; et elle implique aussi nécessairement la possibilité de les transgresser – sinon ce ne serait plus des règles de droit, mais des lois de la nature. La transgression fait donc partie des objets nécessaires du droit comme science, à condition qu’il sache scientifiquement la qualifier comme telle. Car cela s’avère nécessaire à l’identification même du droit comme tel. La science du droit doit donc bien identifier la transgression et la reconnaître comme telle ; et il lui faut, pour rester une science capable de déterminer son propre objet, appeler par son nom cette transgression et la différencier de son contraire ». Dans le même sens, v. : P. AMSELEK, « Lois juridiques et lois scientifiques », Rev. Droits, 1987, n° 6, p. 131 ; D. de BECHILLON, Qu’est-ce qu’une régle de droit? , Paris, éd. Odile Jacob, 1997, p. 60.
  3. C’est en ce sens que la justiciabilité d’une norme (ang. justiciability ; rule ) a été initialement définie par Hermann Kantorowicz, qui évoquait dans ce contexte les « normes considérées comme susceptibles d’être appliquées par un organe juridictionnel » (H. KANTOROWICZ, The definition of law , Cambridge University Press, 1958, intr. A. L. Goodhart, p. 79, nous traduisons). La même signification apparaît sous la plume des auteurs évoquant la justicia- bilité d’une règle pénale (entendue comme « la propriété d’une telle règle de pouvoir être appliquée par un juge » ; M. van de KERCHOVE « Eclatement et recomposition du droit pénal », RSC , 2000, n° 1, p. 5), la justiciabilité du droit aux conditions décentes d’accueil (S. SLAMA, « Le droit à des conditions matérielles d’accueil décentes : une nouvelle forme de justiciabilité pour quelle effectivité? », RDSS , 2010, n° 5, p. 858), ou encore la justiciabilité du droit au logement (C. WOLMARK, « L’opposabilité du droit au logement » Rec. Dalloz , 2008, n° 2, p. 104).
  4. Telle est la seconde signification du terme « justiciable ». C’est en ce sens que les auteurs évoquent l’injusticiabilité des actes de gouvernement (P. SERRAND, L’acte de gouvernement.
C’est ce qu’illustre l’exemple des recommandations de bonnes pratiques
médicales. En dépit de la faculté de dérogation laissée à leurs destinataires^32 , ces
recommandations sont devenues opposables aux médecins^33 , puis susceptibles de
faire l’objet du recours pour excès de pouvoir^34. Dirait-on qu’elles n’ont aucune
valeur juridique, ou normative, à défaut d’être impératives? Certainement pas.
Quelles que soient leurs positions philosophiques, les juristes semblent s’accorder
au moins sur un point : une norme justiciable doit être tenue pour juridique^35.
Or, nous le verrons encore, les recommandations médicales sont à cet égard loin
de faire exception dans le paysage contentieux du droit souple. De nombreux
actes non décisoires jouissent aujourd’hui d’une forme de justiciabilité, que ce
soit par le biais de l’invocabilité en justice qui leur est reconnue, ou par le
contrôle de légalité auquel ils sont soumis par le juge. Même si le droit souple
ne constitue pas, en soi, un phénomène nouveau^36 – au contraire, on pourrait
même affirmer, en se basant sur l’exemple des directives et des circulaires, qu’il
est aussi vieux que le droit administratif lui-même^37 –, nous assistons néanmoins
à une « juridictionnalisation » progressive de ce droit. Cette nouvelle tendance
devrait nous conduire à repenser la place occupée par la soft law administrative
dans la pratique jurisprudentielle. Tel est l’objectif principal de la présente thèse.

Contribution à la théorie des fonctions juridiques de l’État , thèse, Paris II, 1996, p. 590, n° 462), la justiciablité des mesures pénitentiaires (M. GUYOMAR, « La justiciabilité des mesures pénitentiaires devant le juge administratif », AJDA , 2009, n° 8, p. 413), ou encore la justi- ciabilité des décisions préfectorales relatives au déclinatoire de compétence (J.-M. PONTIER, « Le juge administratif ne peut connaître du refus d’un préfet de prendre un déclinatoire de compétence », AJDA , 2005, n° 27, p. 1509).

  1. Sur les recommandations de bonnes pratiques médicales, v. infra , p. 100 et s.
  2. CE, 12 janvier 2005, Mme Kerkerian , n° 256001, Lebon , p. 20 ; CE, 4 octobre 2010, Hamm , n° 326231, Lebon, p. 362.
  3. CE, 27 avril 2011, Formindep , n° 334396, Lebon, p. 168 ; AJDA , 2011, n° 23, p. 1326, concl. Landais.
  4. Pour certains auteurs, la justiciabilité constitue d’ailleurs « l’indicateur le plus décisif de la juridicité d’une norme » (F. OST, M. van de KERCHOVE, De la pyramide au réseau? Pour une théorie dialectique du droit , Bruxelles, éd. des Facultés universitaires Saint-Louis, 2002, p. 303). Des mêmes auteurs, v. également : « Iuris-dictio et définition du droit », Rev. Droits , 1989, n° 10, p. 53.
  5. Comme l’explique le professeur D. TRUCHET ( Droit administratif , 5e^ éd., Paris, PUF, 2013, coll. « Thémis », p. 291), « le phénomène n’est pas nouveau mais il s’amplifie. L’admi- nistration moderne utilise des procédés de plus en plus variés (…) : concertation, planifi- cation, recommandation, incitation… Cette forme de soft law , inspirée par les pratiques communautaires et anglo-saxonnes, vise à sortir l’administration française de sa “culture” du commandement au profit de la négotiation. Gage d’adaptation, de connaissance et donc d’acceptabilité des politiques publiques, elle est nécessaire à leur efficacité ».
  6. Pour une illustration, v. la note de M. HAURIOU sous l’arrêt Association amicale du personnel de la Banque de France (CE, 17 juillet 1925, n° 74022, Lebon , p. 690, concl. Berger ; Rec. Sirey , 1925, III, p. 33, note M. Hauriou).

Chapitre I

Définition du sujet

À côté des éléments particuliers (Section II), résultant de la rencontre entre

le droit souple et le droit administratif, qui est défini traditionnellement par sa

nature contraignante, le sujet de la présente thèse possède également une certaine

dimension générale (Section I).

En effet, étudier les actes non décisoires c’est, avant toute chose, étudier des

actes juridiques. Telle est du moins la thèse dont nous voudrions convaincre

le lecteur. Indépendamment de l’utilité qu’elle présentera pour la suite de nos

investigations, la définition du sujet passe donc inévitablement par le débat mené

dans la théorie contemporaine autour de l’existence même du « droit souple ».

Oxymore pour les uns, réalité juridique pour les autres, le droit souple ne fait

pas – c’est le moins que l’on puisse dire – l’unanimité de la doctrine. Il nous

semble pourtant que les controverses suscitées par son apparition ne sont pas

toujours justifiées par l’ampleur des difficultés théoriques qu’elle est effective-

ment susceptible d’entraîner. La théorie contemporaine du droit offre des moyens

conceptuels qui permettent d’envisager l’élargissement de la famille des actes

juridiques. Voyons comment c’est possible.

SECTION I. DÉFINITION DES ÉLÉMENTS GÉNÉRAUX

L’acte juridique peut être défini comme un acte de langage normatif à caractère

juridique.

Cette définition sommaire s’appuie sur trois convictions. Elle suppose

d’abord que l’acte juridique constitue un phénomène de langage, et que c’est

en tant que tel qu’il devrait être appréhendé par les juristes (§1). Elle suppose

ensuite que le discours normatif constitue un phénomène langagier spécifique,

assez spécifique pour qu’il soit possible de distinguer les actes normatifs des

autres actes de langage (§2). Enfin, cette définition suppose également que

le discours juridique constitue une variante particulière du discours normatif

général. Si tel est effectivement le cas, les actes juridiques peuvent être distingués

des autres actes normatifs (§3).

§1. L’acte de langage

Indépendamment de l’utilité qu’elle présente pour la typologie des actes non

décisoires, la théorie générale du langage paraît très utile pour l’ensemble des

recherches menées autour de l’acte juridique. Pour comprendre ce qu’elle peut

apporter aux juristes (B), il convient de comprendre d’abord la notion même

d’acte de langage (A).

A. Définition de l’acte de langage

Cette notion a fait l’objet des travaux menés par les représentants de la speech

acts theory, initiée outre-Manche par John L. Austin^1 et développée outre-Atlan-

tique par John R. Searle^2. L’acte de langage défini par ces chercheurs constitue

avant tout un acte au sens le plus courant du terme, c’est-à-dire un fait accompli

par l’homme de façon volontaire^3. Parmi les autres actions volontaires de l’homme,

l’acte de langage se distingue cependant par son caractère conventionnel , en ce sens

qu’il est accompli conformément à une certaine convention (dans une langue)

qui détermine sa signification^4.

1. J. L. AUSTIN, Quand dire c’est faire , trad. Gilles Lane, Paris, éd. du Seuil, 1970.
2. J. R. SEARLE, Les actes de langage. Essai de philosophie du langage , trad. H. Pauchard,
Paris, éd. Hermann, 1972, coll. « Savoir ».
3. Les auteurs du dictionnaire Larousse définissent le terme « acte » comme une « manifestation
concrète de l’activité volontaire de quelqu’un, considérée en tant que fait objectif et accom-
pli », tandis que le Dictionnaire de l’Académie française évoque une « action d’un être capable
d’intention ». La définition doctrinale de l’acte, renvoyant à l’existence d’une manifestation de
volonté , paraît conforme à cette signification courante. Elle est largement retenue, tant par la
doctrine publiciste (J. WALINE, Droit administratif , 25e^ éd., Paris, Dalloz, 2014, coll. « Précis
Dalloz », p. 413, n° 392 ; G. LEBRETON, Droit administratif général , 6e^ éd., Paris, Dalloz, coll.
« Cours », 2011, p. 216 ; J. RIVERO, Droit administratif , Paris, Dalloz, 2011, préf. J. Waline,
p. 75, in fine ), que par la doctrine privatiste (M. DURMA, La notification de la volonté. Rôle de
la notification dans la formation des actes juridiques , thèse, Paris, Sirey, 1930, préf. R. Demogue,
p. 9 ; J. MARTIN de la MOUTTE, L’acte juridique unilatéral : essai sur sa notion et sa tech-
nique en droit , thèse, Paris, Sirey, 1951, préf. P. Raynaud, p. 26 ; G. CORNU, Droit civil.
Introduction au droit , 13e^ éd., Paris, Montchrestien, 2007, coll. « Domat droit privé », p. 76 ;
Y. BUFFELAN-LANOIRE, V. LARRIBAU-TERNEYRE, Droit civil. Les obligations , 11e^ éd.,
Paris, Dalloz Sirey, coll. « Université », 2008, p. 21 ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX,
Droit civil. Les obligations , t. 1, 13e^ éd., L’acte juridique , Paris, A. Colin, 2008, n° 60 ; P. VOIRIN,
G. GOUBEAUX, Droit civil , t. 1, 33e^ éd., Paris, Lextenso éditions/LGDJ, 2011, p. 50).
4. Pour Searle, « Parler une langue c’est adopter une forme de comportement régie par des
règles » (J. R. SEARLE, Les actes de langage. Essai de philosophie du langage , préc., p. 52). Sur
la nature de ces « règles », outre l’ouvrage précité de Searle, v. aussi R. M. HARE, Freedom
and Reason , Oxford, éd. OUP, 1963, p. 7.